CÉDRIC LE PENVEN
Je ne comprends pas grand-chose
à ce que je suis, à ce que je dis
Je m’étonne encore souvent
que ces mains s’agitant devant moi
soient le prolongement de cette voix intérieure
qui chuchote et chuchote encore
des paroles étranges
Nulle histoire, nul message
juste des phrases offertes
que je place au milieu d’une page vide
dont je pèse chaque mot, interroge
chaque virgule, comme s’il en allait
de la forme d’un visage
qui me ressemblerait enfin.
Il faut si peu pour disparaitre
l’homme qui penche
dévale ses pentes
ici ou là tentative de reprendre pied
de rappeler les souvenirs
qui aident à tenir debout
Si les livres n’offrent pas de réponse
si ceux que j’aime n’ont pas les mots
comment soutenir son propre regard
tous les matins, cette joute dérisoire
(je renonce sans avoir reconnu mon visage)
Nuit de peu
Nuit du regard porté au dedans
parce que le ciel vide et noir enterre ses oiseaux
nul bras pour enserrer les songes
juste une envie de s’endormir trop longtemps
d’oublier l’aube qui accroît son cercle de lumière
non. Je me refuse de me laisser contaminer par le venin de cet enfant blessé amoureux de sa blessure
grandir, c'est peut-être cesser de croire qu'une douleur nous ressemble plus qu'un sourire
une blessure est un sol trop fertile
la blessure, je la porte au travers du visage en guise de sourire
regardez tous ce que je suis. J'exhibe ce que j'ignore et qui me rouge
tripes étalées sur le sol blanc
gros dégueulasse, tu fais le poète
peut-être n'existe-t-il que de lents apprentissages
rien ne sert de courir plus vite que ses mains. Sur la terrasse, j'amoncelle des planches en pin douglas que je coupe et découpe
je construis des ruches et une colonne vertébrale