ANTOINE CHOPLIN

 

Un roman, d'une grande humanité, d'une grande sensibilité qui met en scène cinq hommes - Garri, Saul, Emmett, Ruslan, Jamarr - et une femme Tayna, qui entreprennent un voyage vers les plaines du Nord-Est, pour une vie meilleure. Et l'écriture poétique de l'auteur révèle, entre rires et larmes, l'intensité de leur parcours, de leur vie.

 

(Extrait 1)

"Bref, dés les premiers jours au camp, mon vieux Saul, tu t'es mis à faire un truc incroyable. Quand j'y pense. Tous les matins, au lever du soleil, tu montais sur un cageot, dehors, contre le mur de ton baraquement.Et là, tu disais de la poésie. Tu faisais ça d'une voix tranquille, sans à-coups, sans gueuler non plus. D'une voix égale que rien n'aurait pu arrêter. C'est ce qu'on croyait en tout cas.Et les gars approchaient, les femmes aussi, pour écouter. Au début, un peu timidement, bien sûr. Et puis on s'est retrouvé de plus en plus nombreux à t'écouter tous les matins. Et ce qu'on se disait entre nous, c'était que ça nous faisait du bien cette poésie. Çà nous donnait des forces"

(Page 143)

 

(Extrait 2)

Poème pour la femme à moitié effacée, commence Emmett d'une voix forte. T'entends ça, Jamarr?

Silence.

Il poursuit sur le même ton.

Poème pour la femme à moitié effacée

J'aimerais que mon poème s'efface aussi bien que cette femme sur la photo

en laissant derrière lui la lumière fossile d'une tempe claire,

L'ondulé d'une chevelure pareille à celle d'une comète,

Le grain deviné d'une peau diaphane,

L'étincelle toute proche d'un regard absent,

La saillie d'un visage en creux,

En somme, la palpitation invincible de ce que l'on pourrait croire à jamais vaincu.

Emmett s'est tu. Ses doigts caressent le carnet de Saul.

(Page 165)